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Jardin d'été

par L'écrivain masqué

publié dans Ecriture automatique

Comme un lézard posté sur un muret, immobile sur ma chaise longue, je moissonne l’été.

Sous le filtre protecteur de mes lunettes ombrées, les brûlantes lueurs d’un soleil domestiqué changent le rose des roses en pêche, le mauve des lilas en magenta, l’émeraude des feuilles en sapin.

Le paysage, derrière ce filtre optique, tout empesé de chaleur hypnotique, se pare du rayonnement statique du vitrail. Le contraste des clairs obscurs s’accentue, donne à chaque lueur une nouvelle épaisseur.

Là-haut, des traînées brumeuses prennent corps, s’opacifient jusqu’à former d’épaisses raies de cotons, de grosses travées aux sillons saillant qui miment une terre fraîchement labourée. Puis le ciel devient effervescent, voilà que tout se dissout, un glaçage de sucre glisse et s’immisce partout.

Imperspectiblement, le ciel se fait gris puis il se pare d'un voile qui s'obscurcit.

Le vent, réveillé en sursaut, s’agite furibond, il arrive de toute part, se cogne sur les murs des maisons, gifle les cimes des arbres et tempête contre tout ce qui se dresse devant lui.

Des pans entiers de ciel bougent, des panneaux plomb et acier glissent, ils viennent s’emboiter devant le soleil. Face à cet épais bouclier, la lumière baisse d’un ton et se fait plus discrète. Les nuages portent une charge d’orage, la terre s’apprête à être bombardée d’ondes et de pluie. 

Les rares oiseaux détalent à tire d’ailes, une haleine d’apocalypse flotte partout. Tout bruisse, le vent porte jusqu’à moi les frottements des brins de mousse qui tapissent le fond du jardin. Ils chuchottent le mouvement de foule de leurs habitants qui, prédisant l’imminence de la pluie, se réfugient dans leurs terreuses tanières.

Le vent courre toujours de tous côtés, il couche les herbes, fleurs, arbustes, il dénude au passage un mirabellier jauni de soleil, une trainée de feuilles se disperse comme des grains de poussière d’or.

Soudain, le soleil réapparaît. Il brûle les nuages, ceux-ci tentent de riposter en se donnant des allures d’anticyclone. 

Une chaleur suffocante, magistrale, impérieuse se déploie. Il y a là comme un air venu d’orient, un sirocco qui s’immisce, gonfle telle une éponge qui s’approprie l’espace.

Puis, tout recommence, le cache-cache du soleil, les nuages qui se déguisent, la lumière qui se joue des couleurs, le vent qui se glisse partout, jusqu’au moment où les nuages en embuscade gagnent du terrain. Victorieux, ils s’accaparent les cieux, la pluie s’abat, impétueuse.

De gros grêlons me délogent de ma chaise, je courre me réfugier à l’abri. Mes lunettes de soleil rentrent dans leur enclos pour un repos bien mérité. A la moindre occasion, je les chausserai à nouveau pour qu'elles engrangent mes souvenirs d'été.

 

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